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Livres et bibliothèques
"Sous la pluie", d'Olivier Adam
--> par Perrine Cambier

Une semaine dans la vie d’Antoine
Sept jours, voilà le délai dont nous disposons pour pénétrer dans la vie et dans la tête d’Antoine, jeune garçon asthmatique à la vie bien maussade, qui grandit péniblement dans une petite résidence pavillonnaire loin de la ville, et qui « manque d’air », littéralement. Sept jours pour que « toute la semaine défile, comme un film en accéléré ».

Sept jours, c’est bien plus qu’il n’en faut pour comprendre que cet Antoine là s’interroge à propos de sa maman, « la plus belle femme du monde » et souffre de ses états mélancoliques, de son incapacité soudaine à ne pas être une maman « comme les autres », mais plutôt une personne qui aime boire les gouttes de pluie, parler aux chats , et prend goût à sortir de chez elle en pleine nuit pour caresser l’écorce des arbres et enfouir ses mains dans la terre après l’orage. 

Sept jours de création presque inversée, où Antoine a vraiment cru « que ça était, qu’elle était arrivé la fameuse goutte d’eau. Celle qui fait déborder le vase. », et que « papa » était « tout près d’exploser » quand son épouse s’endort en pleine campagne dans sa voiture, disparaît une fois de plus et se perd dans la nuit.

Une semaine de tours et de détours pour essayer de comprendre et d’appréhender la douleur et le désarroi d’un être adoré, parfois abhorré, que l’on arrive pas à cerner, que l’on arrive pas à comprendre, et surtout d’un mal que l’on ne parvient pas à nommer : la dépression.

A l’image des sautes d’humeur de la maman, qui passe du rire aux larmes, les personnages du père, du grand père et du petit garçon s’accusent, s’amusent et pardonnent, cherchant à protéger celle qu’ils aiment et qui pourtant leur échappe. On cache au grand-père le repli sur elle-même de la fille que l’on dit sortie entre filles quand il vient prendre des nouvelles de sa fille adorée ; le ton monte quand le père terrorisé ne sait comment réagir aux excentricités de son épouse, pour se radoucir aussitôt  : « Il lui disait qu’il avait honte. Et si des gens t’avaient vue, il ajoutait. Qu’est-ce qu’on s’en fout des gens ! Elle répondait. Qu’est ce que ça peut faire ? Ils pensent ce qu’ils veulent. C’est pas plus fou de sortir sous la pluie que de passer sa vie devant la télé comme ils font. Mais tu peux pas être normale, juste un peu ».

On lit un peu plus loin « t’as raison mon lapin, ta mère elle est formidable. (…) Faut bien faire attention à elle, d’accord ? Tous les deux faut qu’on fasse bien attention à elle". Quant à Antoine, fan de vieux tubes décolorés, une chanson de William Sheller, Maman est folle, dit pour lui l’angoisse qui se cache derrière les non-dits de la maladie.

Olivier Adam réalise ici un livre sans compassion coloriste ni doloriste, capable de traduire l’insoutenable fragilité d’un être et de la vie en général, et qui, de fait, parie sur l’intelligence des enfants, et valorise leur capacité à ressentir les choses. L’écriture d’Olivier Adam, pudique et syncopée, sert merveilleusement cette atmosphère au bord du gouffre qui oscille sans cesse entre respiration et flux de conscience. Et c’est là l’occasion de goûter un style, un vrai, et de grandir en littérature et avec la littérature. On l’aura compris, Olivier Adam, qui par ailleurs publie dans des collections « adultes » refuse le soi-disant angélisme des plus jeunes tout comme la frilosité des adultes qui séparent la vie des enfants et celles des adultes, et les protègent bêtement du réel qui lui aussi fait grandir. (On sait quelles polémiques éclatèrent à ce sujet lors la parution de La messe anniversaire, ouvrage qui traite du travail de deuil, et à quel point les points de vue « nostalgiques » choisis par l’auteur d’On ira voir la mer dérangent…)

 « Je continue en tant qu’auteur à considérer que les adolescents peuvent tout lire, qu’ils peuvent lire n’importe quel livre de littérature. Dans l’offre dont ils disposent, il y a de la littérature et un certain nombre de livres qui mettent en scène des jeunes de leur âge, avec les problèmes de leur âge. Idéalement, pour moi, il faudrait qu’il n’y ait aucune différence entre les deux. Si une collection de littérature pour adolescent consiste à raconter la même histoire que celle qu’on aurait pu raconter à un adulte dans une langue plus pauvre, avec des sentiments moins nuancés et des histoires plus manichéennes, je ne vois pas du tout l’intérêt. Je pense que c’est même se moquer des adolescents. »

Le monde et le livre sont l’un comme l’autre une infinité de possibles, plus ou moins heureux et fragiles. Les enfants le sentent et le savent, Olivier Adam l’écrit. A l’image d’une amitié débutante entre Antoine et la petite Chloé, un rien chipie, à l’image de ce jardin en friche devant la maison que l’on envisage d’organiser, de fleurir, la vie va peut-être se colorer un peu. Qui sait, peut-être, après la pluie ?

Perrine Cambier, novembre 2005

ADAM, Olivier. Sous la pluie. Paris : L’école des loisirs, 2004 (Médium).

ISBN 2 211 075 22 3.

Quelques références sur internet à propos de Sous la pluie :
http://www.avoir-alire.com/spip/article.php3?id_article=5259
http://www.sitartmag.com/olivieradam2.htm
http://www.petit-bulletin.fr/redac/gren/546/546gppapier_olivier-adam.php?num_pb1=546

 Un entretien que l’on peut écouter grâce au lien et qui porte principalement sur le travail pour adulte d’Olivier Adam, où l’on apprend par ailleurs qu’une adaptation de Sous la pluie est prévue au Québec.
http://www.radiofrance.fr/chaines/france-culture2/dossiers/2005/rentree_litteraire/fr_adam.php 

Voir aussi les Actes du colloque de la neuvième rencontre professionnelle du 14 novembre 2004 sur la lecture des adolescents, où l’auteur évoque ses démarches, ses opinions quant à la littérature de jeunesse, ses occupations outre l’écriture ainsi que ses projets.

 

Ecrit par Perrine Cambier, le Samedi 10 Décembre 2005, 08:24 dans la rubrique "Actualités".