Qu’est-ce qui peut bien pousser Louis-François Claro, la cinquantaine passée et responsable d’une entreprise de communication du Nord Pas-de-Calais à entreprendre d’écrire pour les adolescents. L’impression d’avoir épuisé les plaisirs de la communication d’entreprise ? Une expérience douloureuse qui lui a fait comprendre que le destin était éphémère ? Prolonger le plaisir de communiquer avec les étudiants de Lille 3, où il est enseignant ? Un message à délivrer aux générations futures ?

Un peu tout de cela bien entendu, comme tout un chacun dans cette société où tout se consomme, et en premier lieu l’information. Le désir de laisser une trace tangible sur quelques feuilles de papier. Tout cela prend la forme d’un roman, Le Trésor des cathares, premier opus d’un projet de série, et une maison d’édition « Claro Edition ! » pour le publier. Pour réaliser ce beau projet, Louis-François Claro a pris en main la chaîne complète du livre, de l’écriture bien entendu, mais aussi l’illustration et la composition (son métier et son domaine d’enseignement).

 Le Trésor des Cathares, un hommage aux séries d’autrefois
On ne peut pas dire que Louis-François Claro se plie au goût du jour en écrivant le Trésor des Cathares. Ses références se situent plutôt du côté de ses lectures d’enfance, Bob Morane apparaissant comme la référence qu’il cite le plus volontiers. On peut tout aussi bien y retrouver les ingrédients du cinéma populaire, Les aventuriers de l’arche perdue pour la trame générale de l’aventure, mais aussi James Bond avec ses gadgets et son personnage un peu décalé. Cela  fait que le livre repose sur  une multitude de références littéraires et cinématographiques et ne déparerait pas dans une série télévisée contemporaine, ce qui, on peut le supposer, ne déplairait pas à son auteur. On ne peut pas non plus s’empêcher de penser à ces romans à ces romans policiers de la fin du XIXème siècle qui évoluaient sans complexes entre le fantastique et la réalité.

Dans Le Trésor des Cathares, on ne cependant pas s’empêcher de penser qu’il y a son créateur Louis-François Claro. Le personnage de Gilles d’abord, Gilles de Saint-Clair, comme Gilles Claro, son fils et le nom de Saint-Clair comme Bob Saint-Clair, le personnage joué par Belmondo dans Le Magnifique, mais aussi comme Claro. De même, il n’y qu’un pas à faire pour assimiler le personnage à son auteur, fou de vieille voitures anglaises et qui roule lui aussi en Jaguar XK 8 cylindres (en Morgan dans le prochain épisode). Le petit Louis-François a aussi rêvé du mystère cathare alors qu’il arpentait le pays à l’arrière de la voiture de ses parent, plus prompts à s’arrêter chez le petit viticulteur du coin qu’à visiter les monuments historiques. Au passage, et bien que Claro se dise républicain, on notera que Saint-Clair a pris une particule, signe évident d’une recherche de distinction qui va bien avec la Jaguar et les résidences  abandonnées en Sologne !

Une aventure débridée, une quête spirituelle
Il est tentant de lire Le Trésor des cathares comme un simple roman d’aventures. On y voit un jeune archéologue rassembler une équipe de personnages plus ou moins troubles et se rendre dans un château cathare pour ouvrir « les marches du temps » à l’aide d’un médaillon. L’aventure mène la petite équipe d’une exposition au Grand Palais au château de Quéribus, nous faisant visiter en chemin les souterrains de la Sorbonne et un vieux manoir en Sologne. Bien évidemment, il se trouve une confrérie secrète pour s’opposer aux desseins de Gilles de Saint-Clair et pour s’emparer du médailllon. Le dénouement (heureux) ne survient qu’au terme d’un feu d’artifice de fléchettes anesthésiantes et de rayons lasers digne du meilleur James Bond.

On aurait toutefois tort de voir en Louis-François Claro un artificier de l’aventure. Derrière cette action qui se veut débridée, le lecteur attentif pourra pressentir un message qui n’est pour l’instant qu’esquissé, entre rejet du monde d’aujourd’hui et croyance en un au-delà qui n’est celui des grande religions. La religion cathare, qui au centre de l’intrigue, n’est mise à contribution pour ses dimensions mystérieuses et mythiques, peut-être aristocratiques. Au-delà des commodités narratologiques, il semble que ce soit vers les grands mythes du monde que Louis-François Claro se tourne pour trouver le sens à donner à son existence d’être humain.

 Un premier roman, avec ses qualités et ses défauts
En se mettant à l’écriture, Louis-François Claro semble avoir eu deux projets différents, et pas facilement compatibles : construire un grand roman d’aventures comme on n’en fait plus dans la littérature et faire passer un message pour le moins complexe sur le monde. Cela fait que le lecteur peut se demander si cette quête qui permet au héros de franchir les frontières du réel ne représente qu’un artifice narratif ou au contraire une profession de foi. Les deux lectures sont permises !

Le deuxième ouvrage, intitulé Le Rendez-vous à Cnossos devrait paraître dans quelques mois. L’action devrait se dérouler quelque part entre la Dalmatie et les Cyclades, dans les mondes immergés de l’Atlantide. Il nous promet un Gilles de Saint-Clair moins centré sur l’aventure et tout prêt à tomber amoureux d’une princesse des lieux. D’elle, Louis-François ne nous dit qu’une chose : «Bon sang qu’elle est belle», d’autant plus belle probablement qu’elle n’est pas de ce monde.

Si Gilles de Saint-Clair ose assumer pleinement sa filiation vis-à-vis de Louis-François Claro, le personnage ne manquera ni de pittoresque, ni de mystère.

Espérons qu’il osera ressembler à son maître …

Christian Loock

Université de Lille 3, Ufr Idist