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Livres et bibliothèques
interview imaginaire de Jean-Claude Mourlevat
--> par Eloïse Noé

-         Acceptez-vous d’être considéré comme un écrivain pour la jeunesse ?

Comme auteur, je n'écris pas pour les enfants, mais pour tout le monde. J'ai écrit un roman pour les adultes (Je voudrais rentrer à la maison Arléa 2000). Il ne m'a pas coûté plus de peine que ceux pour la jeunesse. J'y ai seulement pris la liberté de certains raccourcis, de certaines tournures, de certaines références que je m'interdis quand le livre est destiné aux plus jeunes. Ce sont des différences techniques, mais en aucun cas des différences d'engagement personnel ni de rigueur.
J'aime les contes parce qu'ils se lisent (ou mieux : s'écoutent) à plusieurs niveaux. Le petit enfant y trouve son compte, l'adulte aussi. Je m'efforce d'atteindre cette perfection-la.
Au dos de mes romans, il est écrit : A partir de 10 ans ou A partir de 11 ans. Or, je ne connais bien ni les préados, ni les ados et, oserai-je le dire, ils ne m'intéressent pas davantage que les bébés ou les personnes âgées.

-         Avez-vous envie d’écrire pour les adultes ?

C’est compliqué de répondre à cette question, parce qu’on la pose souvent avec l’arrière-pensée : « Quand allez-vous écrire vraiment ? »… Faisons le point : j’ai écrit un roman pour adultes que j’avais envoyé à des éditeurs qui m’ont gentiment répondu non ; j’ai écrit des contes publiés en jeunesse… et qui sont plus pour les adultes dans mon esprit ; je pense en écrire encore un qui pourra être publier en littérature jeunesse, et qui sera en fait « tout public »… Après, je pourrais peut être basculer dans la littérature adulte. Mais pour moi, ce n’est pas un but, ni même une progression. Cela peut simplement me donner une liberté supplémentaire.

-         Pouvez –vous nous raconter comment s’élabore une œuvre, du moment où elle naît dans votre esprit à celui où vous la mettez à l’éditeur pour la publication ?

Dans mon bureau, sur mon ordinateur. Avec de la musique. A chaque roman correspond une musique que j'écoute en boucle jusqu'à la fin de mon travail.
Pour A. comme voleur : des chansons brésiliennes.
Pour L'enfant Océan : les suites pour violoncelle seul de Jean Sébastien Bach.
Pour La rivière à l'envers : des chanteuses de l'Inde du Nord : Sheila Dhar, Lakshmi Shankar...
J'écris aussi beaucoup dans les trains (toujours avec la musique). Je remplis alors des cahiers d'écolier. Ça me permet de conserver des brouillons, alors que ce qui est effacé par le traitement de texte se perd dans le néant.
En réalité je suis certain que je pourrais écrire de la même façon dans un bunker sans fenêtre, ou à Paris dans un café bruyant et rempli de monde, ou dans une retraite solitaire de la Creuse, ou encore dans une salle feutrée de la bibliothèque F. Mitterrand. Une fois immergé dans mon histoire, je suis assez indifférent à ce qu'il y a autour de moi.
J'ai une grande préférence pour l'automne et l'hiver. En tout cas, c'est ma saison la plus productive.
Je travaille indifféremment le matin, l'après-midi, le soir.
Jamais la nuit !

-         Avez-vous conscience de puiser aux mêmes sources d’inspiration, de mettre en scène les mêmes personnages, d’avoir recours aux mêmes techniques narratives ? L’acceptez-vous ou tentez-vous de faire évoluer votre écriture

Effectivement, Tomek, dans la rivière à l’envers », voyage seul, mais fait des rencontres chaleureuses et humaines. Comme lui, les héros de « La Balafre » et de « A comme voleur » ont une sorte de sensibilité et sont mis en action par le moteur d’une rencontre. Une femme, une personne âgée… Ce sont des modèles dans lesquels l’enfant peut deviner une humanité, une richesse et une direction à suivre. Je crois que beaucoup d’ados ont des repères bancals de gens sans objectif. Les rencontres de personnages positifs même s’ils sont complexes font avancer. Pour moi la solidarité, l’humanisme et le courage personnel prévalent et j’essaie de les enseigner d’une façon ou d’une autre. En tout cas, tant que j’écris pour les enfants, je considère ma responsabilité qu’il y ait une récompense au bout de la quête de mes personnages. On n’a pas le droit de désespérer un enfant.

-         Quelles sont les lectures qui vous ont influencée dans votre enfance ?

Avant 10 ans ? Rien du tout. Si : le journal de Spirou. Nous étions abonnés, et nous allions le chercher, mes frères et moi, au bureau de tabac de notre village, le mercredi. Je me rappelle tout ce qu'il y avait dedans :
Buck Danny ; Timour ; la Patrouille des Castors ; Gaston Lagaffe ; Boule et Bill ; Fantasio ; Questionnez, le fureteur vous répondra ; La rubrique sportive de Jean Corhumel ; Les belles histoires de l'oncle Paul...
J'ai découvert la lecture et les livres plus tard, à l'internat du lycée d´Ambert où j'ai passé 8 ans. En ce temps-la (eh oui !!) la littérature de jeunesse ne possédait pas la richesse ni la diversité de celle d'aujourd'hui.
J'en connaissais à peine l'existence. Je me rabattais sur les auteurs classiques du Lagarde et Michard, notre livre de français. Mais mon premier choc littéraire a été Robinson Crusoë de Daniel Defoe.

-         Comment vous situez-vous par rapport à la société actuelle ? Souhaitez-vous la transformer ou au contraire vous réfugiez dans l’imaginaire ? Quelles valeurs voulez-vous promouvoir chez les jeunes ?

La lecture, l'écriture, le livre ont des vertus de silence, de lenteur et de solitude qui favorisent le commerce avec le " secret des choses ". Je compare la lecture à la marche à pied : elle nous ramène aux choses simples qui composent le monde, juste là, autour de soi, les pierres, les odeurs, les animaux, mais en même temps elle ouvre les portes de notre imaginaire vers des territoires lointains. C'est ce balancement entre le loin et le près, au gré du marcheur lecteur, qui fait selon moi, le charme délicieux de la lecture.
"Le Petit Royaume " évoque la lutte éternelle entre la culture et la brutalité. C'est un thème qui m'est cher. Evidemment.
Je partage l'inquiétude liée à la désaffection du livre chez les jeunes. Chez les garçons en particulier. Mais je me demande si nous lisions réellement davantage, nous ? Je ne suis sûr de rien. Je me dis qu'ils nous valent bien, qu'il faut leur faire confiance. Quand je les rencontre, je m'efforce de les convaincre de mon propre plaisir à écrire, à lire. Je tâche de leur ouvrir cette porte-là.

-         Quels sont vos rapports avec les éditeurs ? Tenez-vous compte de leurs avis, de leurs demandes ?

Je peux en tenir compte mais je refuse de modifier l’histoire pour « La Balafre » Flammarion voulait changer la fin tandis que Pocket l’acceptait ainsi.

-         Vous arrive-t-il de rencontrer vos lecteurs enfants ? Dans quelles conditions ? Le faites-vous par nécessité financière ou par plaisir ? Cela vous aide-t-il à écrire ou au contraire cela vous perturbe-t-il ?

J'aime beaucoup rencontrer mes lecteurs, enfants ou adultes, dans les écoles, les collèges, les bibliothèques, les médiathèques, les salons du livre… On me demande souvent si cela m'apporte quelque chose pour mon écriture. Je ne crois pas. J'écrirais sans doute exactement les mêmes choses si je restais enfermé chez moi. Ça ne me donne aucune idée… En revanche, j'y prends beaucoup de plaisir et puis je crois que ces rencontres stimulent mon envie d'écrire. Je mesure à cette occasion l'intérêt que les gens me portent et l'attente dans laquelle ils sont du " prochain roman ". Alors j'essaie d'être à la hauteur.
La difficulté provient souvent du décalage chronologique : on me parle de ce que j'ai écrit il y a 2, 3, 4 ans, alors que je suis mentalement immergé dans un nouveau projet. Mais devoir parler de ce qu'on a écrit, oblige à le considérer avec recul, à se replacer dans une évolution.

Depuis que j'écris, cela fait 6 ans environ, je rends visite aux classes, le plus souvent en 6ème et 5ème, parfois en CM1 et CM2, parfois aussi en 4ème et 3ème. J'ai connu tous les cas de figure, depuis les consommateurs de base qui considèrent qu'ils m'ont acheté et que c'est à moi de faire tout le boulot, jusqu'aux fans qui me laissent épuisé, ravi, comblé et le cœur en capilotade.
Quelquefois tout le monde s'y est mis : la documentaliste, les professeurs de français, d'art plastique, le prof de math ( !), l'administration, le libraire du coin, et on se fait la fête autour des livres. Telle classe a théâtralisé un passage d'un de mes romans, telle autre a réalisé des décors qui nous transportent dans le désert de Hannah (tous les enfants sont costumés en touaregs !) ou sur l'Île Inexistante de Tomek. Telle classe de CM2 me convie à un extraordinaire diaporama sur mon " œuvre ", telle autre me lit à voix haute et avec talent un tiers de L'enfant Océan.

Je n'en demande pas tant, bien entendu. Ce sont de belles surprises. Et des rencontres inoubliables.

-         Pourquoi écrivez-vous ?

Parce que je chante mal ! Si j'avais pu choisir, je n'aurais pas hésité une seconde : je serais une cantatrice : Kathleen Ferrier ou Billie Holiday ! Ou bien je serais Rostropovitch, et je jouerais du violoncelle. Ce n'est pas le cas. Ecrire est une consolation.
La voix, la musique donnent une émotion immédiate, violente. Elles ne signifient rien, n'expliquent rien. Elles s'adressent en direct à ce que nous avons de plus sensible, de plus secret.
En comparaison, l'écriture est lente, laborieuse, embarrassée de sens. Et pourtant !
J'éprouve à écrire une grande jubilation. D'abord parce que j'ai découvert très tard que je savais le faire. Je veux dire que je savais suffisamment bien le faire pour en vivre ! Je n'en reviens toujours pas !
Pourquoi j'écris ? Je considère mes livres comme autant de cadeaux que je ferais aux gens que j'aime. J'y mets le meilleur de moi-même. Je suis impatient d'avoir terminé : regardez, regardez ce que j'ai fait !
Autre réponse, toute bête celle-ci : j'adore inventer et raconter des histoires ! Je le faisais enfant avec mes frères et sœurs. C'est une façon de reconstruire le monde et les êtres humains à sa convenance. Je ne prétends pas rendre compte de notre société. Au contraire, je ne suis jamais plus à l'aise que quand (il ne faut jamais écrire "que quand», c'est très laid !) je peux me débarrasser des vraisemblances psychologiques, géographiques, sociales !
Je me permets ce luxe dans les contes en général, ou dans des romans comme "La rivière à l'envers." Ça ne signifie pas qu'on peut y écrire n'importe quoi, mais la rigueur est ailleurs.

Interview imaginaire réalisé grâce aux recherches effectuées sur internet, notamment sur le site de Jean-Claude Mourlevat: http://www.jcmourlevat.com/ rubriques: questions/réponses et entretiens

et le site: http://ljs.hautetfort.com

 

 

 

 

 

 

 

Ecrit par deust, le Vendredi 10 Mars 2006, 12:04 dans la rubrique "Entretiens imaginaires".