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Livres et bibliothèques
Entretien (imaginaire) avec Jean Molla
--> Par Coraline Rachez

-Bienvenue Monsieur Molla. Je me présente, Coraline RACHEZ, étudiante en HSI. J’ai été désigné pour vous poser diverses questions concernant votre métier. Je vous remercie d’avance pour toutes les informations que vous allez nous fournir.

 -C’est avec plaisir que je suis ici. Je vous écoute.

 -D’abord, des questions générales : Accepterez-vous d’être considéré comme un écrivain pour la jeunesse ? Avez-vous écrit pour les adultes ou aspirez-vous à le faire ? Vous situez-vous du côté des enfants ou du côté des adultes ?

 -J’accepte tout à fait cette image d’écrivain pour la jeunesse même si durant mon adolescence, je me suis amusé à écrire des débuts de romans ou des nouvelles qui ne touchaient pas en particulier les enfants. Il est de toute façon intéressant de confronter adultes et adolescents, ne serait-ce que parce que nous nous construisons ensemble. Je fais donc un compromis entre les adultes et les enfants.

- Le lecteur est-il présent à votre esprit au moment où vous écrivez ? Ce lecteur a-t-il un visage pour vous ? Y a-t-il des contraintes d’écriture spécifiques au public enfantin ?

-On ne s'adresse évidemment pas de la même manière à un enfant et à un jeune adulte. Pour en revenir aux thèmes abordés par la littérature dite de jeunesse, je pense que l'on peut quasiment tous les aborder, y compris les plus délicats. C'est ensuite aux professeurs, aux libraires, aux bibliothécaires, aux adultes en général de guider les adolescents vers tel ou tel livre. Il se trouve je n'éprouve pas de difficultés particulière à me mettre à la place d'une femme. J'assume parfaitement cette part de féminité qu'il y a, paraît-il, en chaque homme.
Ecrire, c'est réussir à se décentrer, sortir de soi. Souvent, je ferme les yeux et je m'imagine la scène, je suis alors le personnage, homme ou femme. Il me suffit dès lors de retranscrire par écrit ce que je vois, je sens.

-Pouvez-vous raconter comment s’élabore une œuvre, du moment où elle naît dans votre esprit à celui où vous la remettez à l’éditeur pour publication ?

-Déjà, j'essaie de ne pas me cantonner dans un genre particulier. A chaque nouveau roman, j'essaie de me livrer à des explorations : roman psychologique, polar, roman noir, fantastique, SF.
Je pars assez peu à l'aventure. Je commence par établir un plan solide qui peut évidemment évoluer en cours d'écriture. J'essaie la plupart du temps d'établir des symétries, des correspondances entre les situations, les personnages. Je mets au point les redites, les "échos" au sein du texte.
J'adore travailler sur ce que l'on nomme l'intertextualité. Les histoires ne viennent pas de nulle part, elles trouvent souvent leur origine dans nos propres lectures. La plupart de mes textes sont des citations plus ou moins visibles à d'autres récits, à d'autres textes (Par exemple Coupable idéal, chez Rageot est un clin d'œil à la tragédie et au mythe d'Œdipe, Le chevalier aux trois visages est une parodie de conte.)
L'attrape Mondes est un véritable tissu d'allusions. Je me suis aussi amusé, dans ce roman, à raconter deux histoires. La première, manifeste, est un récit fantastique et initiatique canonique qui obéit aux lois du genre (lutte contre les éléments, personnages symboliques, épreuves, qualification et transformation du héros) ; la seconde histoire, latente, (en creux, comme on dit), est une histoire familiale douloureuse qui met en scène une adolescente mal dans sa peau et qui trouve dans l'imaginaire un dérivatif à ses difficultés. On peut la reconstituer à partir de petits détails disséminés dans le roman.
Je trouve également intéressant de " casser le rythme ", d'utiliser des récits enchâssés, comme dans La fille aux semelles de plomb, Le duel des sorciers ou Djamila.

Quand je travaille, je n'écris pas nécessairement de façon linéaire. Les chapitres peuvent être écrits dans le désordre puis " montés ", comme au cinéma.
En général, je m'efforce de produire un premier jet que je vais ensuite enrichir. Je procède par " bourgeonnements " et rajoute souvent plusieurs chapitres, des passages descriptifs, des péripéties, voire des personnages.
Une fois que je dispose mon "bloc" de texte, je peux le reprendre à loisir, le modifier, le peaufiner, un peu à la manière d'un un artisan, qui travaille et retravaille sans cesse un objet jusqu'à ce qu'il en soit (à peu près) satisfait.

-Quelles sont les lectures qui vous ont influencé(e) dans votre enfance ?

- Entre treize et dix-sept ans, je me suis jeté à corps perdu dans la science-fiction et le fantastique, ce qui m'a permis de découvrir des auteurs admirables (Jean Ray, Lovecraft, Rider-Haggard, Matheson, Moorcock, Le Guin, Dick et tant d'autres1⁄4). Ce qui m'était désagréable, c'est que l'on considérait ce type de romans comme de la sous-littérature assez peu digne d'intérêt (c'est parfois encore le cas). Je dois reconnaître que ce n'est qu'en fac de lettres que j'ai commencé à lire " les classiques ", avec infiniment de plaisir. Ces lectures diverses et variées ont contribué en tout cas à ma formation et chacune des histoires que j'ai écrites est une sorte de tribut que je paie aux auteurs que j'ai aimés.

-Comment vous situez-vous par rapport à la société actuelle ? Souhaitez-vous envie de la transformer ou au contraire de vous réfugier dans l’imaginaire ? Quelles valeurs voulez-vous promouvoir chez les jeunes ? Par exemple, votre livre Djamila est-il un soutient au mouvement « ni putes ni soumises » ?

-Non, pour la simple raison que ce texte a été écrit pas mal de temps avant l'apparition de ce mouvement.
J'avais envie d'écrire un roman noir, parce que je n’avais pas encore abordé ce genre et que je l'apprécie en tant que lecteur. Quand j'ai commencé à réfléchir à cette histoire, il y a deux ans, les médias parlaient beaucoup des tournantes et de l'influence de la pornographie sur l'esprit de certains jeunes garçons. Il m'a semblé intéressant d'essayer de montrer la vision de la femme que ce type de films conditionne et les comportements que cela peut entraîner.
J'avais également envie de faire des portraits contrastés de jeunes adultes issus de milieu sociaux et culturels très différents (classes moyennes, professions libérales, jeunes gens issus de l'immigration).
J'ai enfin essayé d'introduire l'histoire immédiate dans ce roman : l'engagement ou le désengagement politique chez les jeunes adultes, le multiculturalisme de la société française, l'économie omniprésente, le 11 septembre, les rapports hommes femmes.
J'espère donner aux lecteurs l’envie de s'intéresser au passé et de le comprendre. J'espère faire passer l'idée qu'on ne peut pas construire le présent en ignorant ce qui a eu lieu ou en le niant.
J'ai essayé de mettre en scène des personnages complexes, ambigus, voire incompréhensibles, parce qu'hélas, rien n'est simple. Mais complexité ou pas, il existe des faits à mon sens imprescriptibles.

 -Une dernière petite question : Pourquoi écrivez-vous ou continuez-vous à écrire ?

Ayant commencé à écrire très tard, à quarante ans passés, je pense que je me suis senti poussé par une sorte de sentiment d'urgence. Depuis trois ans, je prends sur mon temps de sommeil, sur mes loisirs ! J'écris des heures durant pendant les vacances. Lorsque je travaille sur un roman, je peux rester plus de 14 heures face à mon écran !

 - Durant mon adolescence, je me suis amusé à écrire des débuts de romans ou des nouvelles. Ensuite, pendant de longues années je n'ai pas écrit mais, sans en parler à qui que ce soit, j'inventais de nombreuses histoires que je gardais en mémoire mais que je n'ai jamais couchées sur le papier. Lorsque je m'y risquais, le texte en question finissait immanquablement à la poubelle.
C'est ma femme, illustratrice, qui m'a encouragé à proposer mes premières tentatives. Cela a commencé par un conte pour la presse, puis un second, puis une nouvelle que j'ai envoyée aux éditions Grasset (en fait, c'est ma femme qui l'a envoyée ;  elle lui plaisait alors que j'étais prêt, une fois de plus, à tout jeter.) Finalement, cette nouvelle a intéressé Marielle Gens qui m'a demandé d'en faire un roman. Je me suis donc mis au travail et j'ai écrit ce qui est devenu Copie-conforme.
En attendant sa réponse définitive, j'étais tellement angoissé à l'idée que Grasset puisse refuser ce manuscrit que j'ai commencé à écrire Sobibor, que j'ai envoyé aux éditions Gallimard. J'avais tellement peur de leur jugement que je me suis lancé dans Le duel des sorciers. Puis je l'ai envoyé chez Rageot.
En me remettant au travail avant la réponse des éditeurs j'évacuais l'angoisse de l'attente et le fait de changer de genre entre chaque texte permettait de me changer les idées, d'oublier un certain temps le texte précédent.
Au final, je me suis retrouvé avec trois éditeurs qui souhaitaient me publier !

 -Merci beaucoup d’avoir répondu à ces questions.

-Ce fut un plaisir. Au revoir et merci pour l’intérêt que vous me portez.

 

 

Ecrit par Coraline Rachez, le Vendredi 3 Mars 2006, 20:50 dans la rubrique "Entretiens imaginaires".