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C'est loin d'aller où ? de Sébastien Joanniez
--> par Christelle Lefebvre
Mathieu suit à contre cœur son copain Rico dans un feu de poubelles. Comment expliquer la brûlure sur la manche de son blouson ? Rico a une solution : « t’as qu’à dire qu’on te l’a chouré » . Oui, seulement Mathieu ne porte nulle marque d’agression. Il finit alors par accepter que Rico lui « tape sur la gueule ». Un coup qui l’emmène dans un monde étrange où des types aux grands manteaux se baladent sans but comme des fantômes, et où il rencontre Anna. Dans C’est loin d’aller où, Sébastien Joanniez nous livre toute une série d’inquiétudes et d’interrogations liées au passage de l’adolescence, dans un récit au style très libre. Une vie fragile Ca commence par un feu de poubelle dans lequel Mathieu s’embarque « presqu’en fermant les yeux ». Même s’il suit son copain Rico dans ce jeu dangereux, sa crainte révèle à la fois qu’il a conscience des risques encourus et sans doute qu’il doit craindre davantage encore de ne pas se montrer à la hauteur. Ce sentiment se précise lorsque sont présentées les premières paroles de Rico : « Rico m’a tout de suite dit de fermer ma gueule et que si je parlais, il s’occuperait de moi comme il s’était occupé d’Ahmed quand il lui a défoncé le crâne à coups de pieds ». Sa peur est également mise en exergue par sa réaction, alors qu’il sort du local à poubelles, le blouson brûlé : il accepte de se faire « taper sur la gueule » par Rico, pour dissimuler son acte. Le comportement des personnages met ici en scène avec force et démesure la panique intérieure des adolescents, pas tout à fait conscients des conséquences de leurs actes, et capables de risquer la mort pour se protéger. Incipit où la vie est fragile parce que les ados ne savent pas trouver de solutions raisonnées à leurs problèmes, et surtout parce que la violence semble être l’ultime recours. Un univers étrangeLa mort ne semble pas faire peur. Règne une atmosphère d’indifférence entre vivre et mourir. Jusqu’à ce que Mathieu, sonné par le coup trop violent administré par son copain, se retrouve plongé dans un coma. Il erre dans un immense labyrinthe. Où est-il ? Rêve-t-il ? S’agit-il vraiment du royaume des morts ? Toujours est-il qu’il se retrouve dans un univers étrange, bien illustré par la première de couverture, où la veste permet à l’adolescent d’être reconnu, alors que lui-même ne sait se reconnaître tant ses pensées se révèlent être dédaléennes. Univers tellement étrange qu’il se refuse d’abord à y croire, mais dans lequel il finit néanmoins par se plonger afin d’en trouver une issue. Il réalise qu’il se situe entre la vie et la mort lorsqu’il y croise Anna qui lui raconte avoir sauté du troisième étage. Et puis lorsqu’elle interroge Mathieu : « On est morts ? » s’affrontent deux perceptions. Anna préfère rester dans ce monde souterrain afin d’échapper à ses cauchemars, alors que Mathieu se refuse à la mort. Anna est représentée comme une adolescente fragile qui a choisi la mort d’elle-même, après un cheminement psychologique, tandis que Mathieu se trouve dans ces couloirs sombres à la suite d’un coup indépendant de sa volonté personnelle. Anna a l’esprit meurtri, Mathieu le corps.
L’union fait la force |